Alors qu’un désordre chaotique régnait dans le monde, suite à la décision gouvernementale de restreindre nos libertés grâce à un confinement commencé un mois auparavant dans le cadre de l’épidémie du Covid 19. Dans un premier temps, j’ai souhaité exprimer une colère mal définie, dans un contexte émotionnel peu maîtrisé.
J’ai utilisé des seringues afin de projeter de la couleur rouge sur la toile. de manière aléatoire. Ainsi, sont apparues des couleurs et des taches, que j’ai laissé mûrir plusieurs jours, avant de les exploiter. J’ai continué de nourrir cette confusion de matière avec des empreintes réalisées avec un couteau (coquillage) et la panière verte d’un pot à cornichons.
A partir de ces traces, j’ai imaginé la possibilité d’humaniser le Covid 19 sous une forme masculine, je lui ai donné un visage avec de l’ocre jaune utilisant les rainures graphiques du rouge.
De sa présence, est née celle de Salus, personnification de la santé, de la prospérité et du bien-être public. Cette divinité romaine sans légende, était associée à la déesse hellenique Hygie (la santé), fille d’Asclépios (dieu de la médecine) et de Lampétie. Salus était représentée sous la figure d’une jeune personne accompagnée d’un serpent, attribut du monde infernal. Elle était invoquée par les malades et l’état romain lorsque de graves circonstances l’exigeaient.
Je l’ai dessiné au fusain avec son attribut, et l’idée de trouver une corrélation entre sa chevelure et le serpent, dont la tête semble sortir de la bouche ouverte du roi Covid. J’ai travaillé le fond et la forme en alternance en exploitant une palette de couleurs et de glacis, des ocres aux gris colorés, en passant par les rouges, les bleus, le brou de noix, le blanc et le noir ; dans une recherche permanente du volume, du contraste, de l’ombre et de la lumière.
Au fur et à mesure que les personnages prenaient vie, j’ai songé à faire naître un coquelicot, imaginé comme un symbole de liberté, dont certains pétales sont éparpillés.
A l’instar du roi Covid, Salus n’a qu’un œil visible ; le second se cache derrière la fleur, apparue tardivement dans la conception de sa figure. Le serpent occupe une place importante. 11 a nécessité une attention particulière, notamment dans la réalisation de certains détails, conçus selon de nombreux repentirs.
Peu à peu, j’ai cherché à trouver un équilibre entre les formes et le fond, que j’ai progressivement modifié en fonction des personnages, de manière à former un ensemble de lignes et de couleurs qui s’imbriquent les unes dans les autres, se confondent et se répondent. J’ai souhaité relier Salus et le roi Covid par un seul trait d’union entre l’œil de chacun. Ainsi, la mort, souvent mise à distance, rejoint la vie à laquelle elle est censée appartenir.
J’ai achevé cette création le 18 juillet 2020, alors que le confinement est derrière nous mais que le port du masque est devenu obligatoire depuis le 20 juillet, pour une durée incertaine.
Edith BRUIC 26 juillet 2020