« Le titre de cette création est l’anagramme de :

Empreintes d’objets naturels prises au fusain, acrylique, encre, pigment et vernis sur bois.

Je l’ai commencé le samedi 16 et le dimanche 17 octobre 2021, lors de la deuxième rencontre de « Couleur Safran ».

Alors que Denise était occupée dans sa safranière avec un public attentif à ses explications relatives à la culture du safran, je récoltais des empreintes diverses d’objets naturels inhérents au lieu, avec un fusain et du papier sulfurisé. Ainsi, j’obtenais des traces que j’allais réutiliser plus tard, à l’intérieur de sa maison. Elles devenaient porteuses d’un projet de création, un prétexte à imaginer des formes et des couleurs.

Je les ai collé sur une planche en bois, sous le regard de ce même public, avec lequel j’entretenais une relation de partage, au même titre que Denise, qui poursuivait ses explications autour du safran. Durant ces deux matinées, j’ai expérimenté le collage des fleurs, des racines et autres matériaux, associé à celui des empreintes réinterprétées, et de leur mise en couleur avec l’encre couleur safran, produite par les stigmates de la fleur.

Ma première idée de création a germé autour d’un centre qui éclate.

A ce moment-là, je savais que j’étais malade et que j’allais être soignée durant plusieurs mois.

J’ai laissé le support posé sur un chevalet, pour le reprendre le 1er novembre. J’ai utilisé l’encre de safran, du rouge, du violet pour le fond et la forme, avec des rehauts de rouge sur les empreintes.

J’ai de nouveau laisser respirer ce travail, pour le reprendre le 25 novembre; je l’ai nourri d’amitié, à travers la récupération de peaux de fruits de la passion, de bouts de cannelle et d’anis étoilé, consommés lors d’un repas convivial.

Trois mois plus tard, le 16 février 2022, je suis passée d’un bonheur partagé lors de « Couleur Safran » à une tragédie personnelle.

J’ai utilisé mes cheveux qui avaient été coupés très courts, pour habiller le fond du tableau. Ainsi, ils devenaient acteurs de cette création ; ce qui me permettait de les pèreniser en les « re-destinant », et d’en faire le deuil.

Le lendemain, j’ai mis en couleurs les différentes matières qui avaient pris leur place : la peau des fruits devenait ocre, le sable, rouge et les cheveux, violets. Cette couleur est souvent associée à celle du deuil. Ce n’est pas une couleur que j’utilise habituellement. Mais dans ces circonstances particulières, il faut croire que cela m’a échappé.

De longs mois de souffrance m’ont écarté du chemin de la recherche picturale, pour continuer celle de l’écriture.

Je n’ai repris cette création que le 12 juillet ; neuf mois pour mener à terme cette gestation. 

J’ai atténué la couleur du deuil avec du rouge sur le sable rose et les cheveux violets ; j’ai valorisé la matière avec des glacis ocres, gris et orangés ; et des rehauts de blanc cassés pour le fond.

J’ai expérimenté le graphisme avec une encre terre de sienne brûlée, inspirée par la musique psychédélique des Pink Floyd.

Ce fut un réel bonheur de me retrouver à travers ce moment de création sublimée.

Après avoir emprunté la voie de la guérison, j’ai achevé ce tableau et l’écriture de sa genèse , le 14 juillet 2022. »

Edith BRUIC